lundi 8 novembre 2010

Fire Is Everything




Yo a vous tous.
Ca fait franchement plaisir de lire vos commentaires et les retours positifs divers et varies que je peux recevoir !

Je commencerai par une simple constatation qui peut servir a d'autres : quand tu voyages seul, n'oublies pas que tu l'es, et ne compte sur personne d'autre que toi si tu veux vivre les aventures que tu souhaites. En particulier, ne fais pas de plan sur la comete avec des backpackers rencontres en chemin ou au detour d'un bar pas cher.

Je vous dis ca, la maintenant, car j'ai failli me faire avoir. J'avais en effet comme projet de monter sur un volcan. Bah oui, l'Indonesie c'est quand meme aussi l'autre pays du volcan. Alors vous pouvez me dire que je peux toujours aller en Auvergne, mais bon c'est moins pratique quand on est a Bali. Nan, ces volcans la sont des montagnes sacrees pour les locaux, capables de produire le Feu. Le Feu detruit tout sur son passage, mais la vie qui repousse derriere est encore plus luxuriante est magnifique, les terres plus fertiles. Ces proprietes et cette puissance sont sacrees et exigent le respect. Je voulais aller voir cela en vrai, une fois au moins avant de mourir.

Des volcans dans le coin, il y en a pas mal d'ailleurs, et mon idee initiale etait de monter le Gunung Batur ou Gunung Anung sur Bali. Jusqu'a ce qu'on me parle du Gunung Rinjani a Lombok, et qu'on m'en parle comme le plus beau volcan a voir sur l'archipel Indonesien.

Figurez-vous, que par une argumentation digne des plus grands VRP de France et de Navarre, j'avais reussi a convaincre mes compagnons de Nusa Lembongan que l'ascension, reputee difficile, du Rinjani etait un accomplissement necessaire dans leur avancee spirituelle dans la quete de la Sagesse Absolue et de la redemption la plus pure, bla bla bla. L'argument falacieux consistant a dire que monter sur un volcan sacre garantissait une fertilite des plus impressionantes a fini de les convaincre. Je devrais monter ma propre secte.

Enfin oui, mais pas vraiment en fait. J'avais reussi a "motiver" quatre personnes, de maniere a pouvoir charteriser la demande et ainsi obtenir des prix moindres. Mais, vous savez ce que c'est, le temps que les gens se decident, j'avais deja mis les voiles vers Ubud, poursuivant mon periple seul. J'avais tout de meme l'espoir qu'ils y reflechissent, et avait par ailleurs annonce une date : debut du trek le mercredi 27/10 au matin. Cela veut dire qu'il fallait etre au village de depart, nomme Senaru, le mardi soir.
Et lorsqu'on veut s'y prendre avec les transports les moins chers, partir de la cote Est de Bali pour atteindre Senaru, au Nord de Lombok, demande la journee de transport.

En toute logique donc, j'avais prevu d'etre a Pandangbai, port de depart des ferries balinais, le Lundi soir. Ce que je suis parvenu a faire (cf . episode precedent). Toujours sans nouvelles de mes compagnons eventuels, me voila a la date butoire contraint de faire le choix : attendre apres les autres (ca peut etre vraiment sympa pour le coup), ou foncer dans le tas (car je peux attendre longtemps).

Le mec du losmen que j'avais trouve pour la soiree me proposait un pack "trek Gunung Rinjani tout compris" avec un tour operator dont je n'avais evidemment jamais entendu parler.

Il se trouve qu'il y avait dans ce meme losmen (et c'etait justement un de ses arguments de vente) une nana "belge" toute seule qui venait d'acheter le pack, et qui ne demandais (fort bien amene) qu'a la presence d'un francais a ses cotes. Voyez, pour la proteger en cas de coulee de lave et tout.

"Attendre apres les autres ou foncer dans le tas" ? Qu'est-ce que vous imaginez  que j'ai fait ? J'ai fonce. Aller sur le Rinjani n'est pas une opportunite qui se representera tous les soirs apres le boulot. J'ai donc rencontre la "belge" annoncee par le mec, qui n'etait autre qu'une anglaise solitaire trentenaire bossant dans la finance. Allison elle s'appelle.
Bien sur, je signe le papier pour le pack complet toutes options du trek. Voila ce que ca donne :

- Transport depuis Padangbai (Bali), jusqu'a Senaru (Lombok).
- Premiere nuit a Senaru (dans un losmen).
- Les droits d'entree au parc naturel du Rinjani.
- Les 2,5 jours et 2 nuits de trek. Trois repas par jour. Eau purifiee.
- Materiel (tentes, matelas, duvets)
- Les porteurs (pour la cargaison de vivres) et le guide obligatoire.
- Le retour vers la destination de notre choix a Lombok.


J'ai eu le tout pour 1.7 millions de roupies, soit environ 120 euros. Raisonnable. Mais j'aurais pu encore gratter je pense.

Toujours est-il que je me retrouve avec Allison, l'anglo-belge, dans le ferry pour Lembar, Lombok. Cette fille n'est pas mon style, et puis je ne sais pas si elle attend que je la protege contre les attaques eventuelles de gambas sauvages pendant le trajet maritime, mais en tout cas je l'ai laisse faire ses affaires a bord, pendant que je m'occupais tranquillement des miennes.
A peine avais-je detourne le regard que mes yeux se posent sur Tom et Maries ! Mes deux compagnons de route flamands a Nusa Lembongan, dont j'attendais toujours des news pour monter le Rinjani.
Je vais vers eux et les engueule gentiment, tout en etant content de voir des visages connu (c'est assez rare en ce moment !) en annoncant que j'etais engage pour le trek.

Voyant le temps degeulasse qui se profilait au loin sur le Nord de Lombok, il se foutaient de ma gueule, Tom affirmant que c'etait une tres mauvaise idee vu les conditions meteo. L'ascension du Rinjani sous la pluie est reputee pour etre un veritable enfer de glissades, de boue, de froid, etc.  Il tombait en effet un vrai deluge sur Lombok, pendant la traversee...des rivieres de 30 cm de profondeur dans les rues...Pas tres jouasse j'etais, mais j'avais envie de faire ce truc-la, et je sais d'ailleurs comment le temps peut-etre changeant en montagne, en particulier a 3000 metres. La suite prouva que j'avais raison.

Lombok sous la pluie


J'ai donc passe la traversee (5 heures, chiottes pleine de blattes de 8 cm a eviter absolument) entre Pandangbai et Lembar, a tchatcher par terre avec mes potes de Lembongan, ainsi qu'une australienne a dreadlocks de 20 ans arrivant de Thailande et se rendant aux iles Gili, et enfin une suissesse allant a Kuta Lombok, spot de surf repute. Je ne sais pas ce qu'il est advenu d'Allison pendant la traversee, toujours est-il qu'elle etait la a l'arrivee. Elle s'est donc tres bien defendue seule contre les attaques de crustaces, me suis-je dit.

A l'arrivee, elle et moi nous retrouvons dans un bus avec d'autres gens europeens. Un vrai charter. On nous balade tranquillement en remontant par la route vers le Nord, on depose des gens, et au final, quatre heures plus tard il n'y a plus qu'Allison, un couple franco-anglais et moi ! Il fait nuit a Senaru, et l'orage n'est pas loin. D'especes d'enormes hannetons, cons comme des balais a taper dans les murs et le cou des gens, foutent un bordel pas possible. Tiens, voila que le muezzin lance l'adhan (appel a la priere, 5 fois par jour). Et oui, apres un Bali indouiste, voila la vraie Indonesie : le plus grand pays musulman au monde.

Juste une petite remarque sur le muezzin, au demeurant tres sympatique chanteur. L'adhan d'avant de leve du soleil (vers les 4h30-5h) est parfois tres mal vecu, surtout lorsqu'il dure 25 minutes et que vous logez a 15 metres de la mosquee. On avait deja moults coqs gueulant comme des decerebres a toute heure du jour et de la nuit, et voila maintenant que certains muezzin sonnent tout a fait faux. Mais d'un faux a decoller la peinture des murs !

Je tombe sur un couple de danois prenant l'apero. Ils seront egalement mes compagnons lors du trek prevu le lendemain. Ils s'appelent Sane et Lars ("comme le batteur de MetallicA?"). Ils ont eux aussi la bonne trentaine tassee, et ils sont super sympa.



"J'ai la dalle", que je lance au depourvu a l'indo le plus proche, qui ne comprend rien mais qui se marre. Je n'avais rien bouffe de la journee, et les neuf heures de transport m'avaient creuse. Il y avait un petit warung dans le losmen ou nous devions passer la nuit. Je leur ai defonce le stock de pates pour le coup !

J'ai bouffe comme un sagouin donc, en compagnie de Allison, Sane et Lars, pendant que l'organisateur du trek nous faisait un briefing sur une grande carte nous expliquant les deux differentes manieres d'attaquer le volcan : la dure, et la tres dure (non, pas la "molle"). C'etait a nous de choisir. On a delibere pendant 10 bonnes minutes puis, comme "on est pas des petites fiottes", on a choisi le tres dur (qui etait neanmoins cense etre cool le dernier jour). Le mec nous explique que nous etions au total 7 touristes dans le groupe et que nous rencontrerions les trois manquants le lendemain avant de se mettre en marche.
Il nous averti egalement que le trek sur deux jours et demie est particulierement eprouvant, et qu'il existe un trek plus abordable physiquement (mais pas financierement) sur cinq jours.

Le Rinjani est un sacre gros volcan en fait. Haut lieu de pelerinage, il est sacre pour deux religions (la forme d'islam praquee par l'ethnie Sasak de Lombok, et l'indouisme balinais).  3726 metres d'altitude sur le sommet, rebord oriental du cratere. Ceci en fait le deuxieme plus haut volcan d'indonesie apres le Kerinci, a Sumatra. Repute le plus beau volcan du pays, son cratere et sa caldeira font environ 6-8 Km de diametre et 600 metres de profondeur, ce qui est assez gigantesque. La caldeira elle-meme (le fond du cratere) contient un lac aux couleurs de cobalt, nomme Danau Segara Anak ("Enfant de la mer", comme par hasard) ainsi qu'un cone secondaire impressionant, au milieu du lac, le Barujari, regulierement en activite. Pour ceux que la vulcanologie titille, il s'agit d'un volcan gris de type explosif. Autant vous dire qu'une eruption majeure de ce monstre incinererait la quasi-totalite de Lombok et ses habitants sous les nuees ardentes et autres coulees pyroclastiques, sans parler des bombes de taille impressionantes. Une evacuation complete de l'ile (3 millions d'habitants) est alors necessaire...en quelques minutes...

Respect donc. Meme si de memoire d'homme cela n'est jamais arrive.

Une bonne nuit de sommeil apres le briefing, et a 7h30 le lendemain nous etions pares avec nos bardas pour attaquer. La motivation aux taquets ! La possibilite de laisser quelques unes de nos affaires inutiles en bas a Senaru nous a permis d'alleger les sacs, laissant aux porteurs le soin de se coltiner toute la bouffe et le materiel de camping pour les 3 jours. J'avais tout de meme un petit poids sympa dans le dos, car je redoutais la fraicheur des temperatures en altitude. Je fais la connaissance de notre guide local : Suki, 28 ans, sympatique, le sourire anxieux du mec qui a la creve et qui n'a pas grande envie de repartir pour le sommet qu'il a deja gravi plusieurs centaines de fois.

Suki, moi.


Notre trek doit relier Sembalun, vallee voisine, jusqu'au retour sur Senaru via le volcan. Il nous fallait donc faire une heure de camion pour nous retrouver a l'entree du parc a Sembalun. Cette heure de cametard pourrave, sur cette route pourrave, au milieu des villages de montagne, la traversee d'un marche bonde de locaux nous devisageant comme des extra-terrestres, avec tout notre matos fut memorable. Je me rappelle que personne ne parlait durant le trajet, juste devisageait le volcan massif qui etait en face de nous, comme si chacun se preparait psychologiquement a en chier, a un prendre plein la gueule, comme si on allait tous au casse-pipe, comme si personne n'osait plus la ramener.

Lars (G) et Owain (D) et le cametard, au milieu du marche de je-ne-sais-ou, en route vers Sembalun

A Sembalun, on rencontre les trois trekkers manquants de notre groupe. Un couple d'anglais, Alex et Mike, deux jeunes fetards qui arrivent de deux semaines de picole dans les iles Gili, et Owain, un gallois voyageur solitaire quelque peu a l'ecart du reste de ses compatriotes europeens. Non seulement il ressemble a Jesus, mais en plus il est charpentier (par contre il n'a pas d'attirance particuliere pour les jeunes enfants). Aussi n'a-t-il cependant pas su nous transformer la flotte en biere fraiche en fin de journee. Regrettable.
Le temps de signer le registre "je-suis-sur-le-volcan-venez-me-sauver-et-appelez-ma-famille" a l'entree du parc, et nous voila partis.

Jour 1 ("tatataaaa")

Le but de cette premiere journee, environ 6 heures de marche, est d'atteindre le rebord du cratere afin d'y passer la nuit. Les pluies etant regulieres et fortes, nous avions tous notre version du poncho foireux afin de pouvoir sauver des fringues de la mouille. Au dessus de nous, les nuages n'etais pas loin mais le soleil percait encore et les deux premieres heures avant le repas du midi furent realisees en plein cagnard, par une trentaine de degres. Heureusement, le debut du trajet etait relativement simple, un espece d'echauffement. Les choses serieuses allaient commencer dans l'aprem.

Et pour cause. La pente etait parfois si raide qu'il fallait utiliser les mains. Nous nous enfoncions, toujours sans pluie, dans les nuages, ce qui rafraichissait tranquillement la temperature et me faisait suer comme un veau. Le silence de montagne s'installe, sourd, et la visibilite se reduit a quelques dizaine de metre. Silence, ponctue par un "ouuuh Yallah" d'un porteur qui en chie.

Les porteurs sont impressionants. Les vrais sherpas. Ils portent deux paquets a chaque extremite d'un gros bambou de1,5m qu'ils placent sur l'epaule. Ils sont quatre et portent materiel et vivres pour un total de douze personnes (guide, trekkers, eux-meme) pour 3 jours. En debut de trek, ils ont donc chacun une trentaine de kilos sur l'epaule...Ils ne parlent pas anglais, alors ils rigolent, discutent entre eux, et montent. Et ils montent vite. Bien plus vite que n'importe lequel des trekkers. Et vous voulez savoir la meilleure ? Ils sont en tongs, puisque c'est le seul soulier abordable du coin.
Ils arrivent donc une demie-heure avant tout le monde au camps, juste assez de temps pour couper du bois, faire le feu, commencer a faire a bouffer pour tout le monde, monter les tentes et derouler les duvets. T'arrives, le repas est presque pret, t'as rien a faire. Et ca ne sert a rien de vouloir les aider, tu les genes plus qu'autre chose.
Ils n'arretent pas : paqueter, desempaqueter, couper du bois, faire la popotte, la vaisselle, le ptit dej', etc. Et toi tu les regardes sans savoir ou te mettre. Ils sont toujours de bonne humeur, toujours super souriants, serviables comme pas deux.
Ils sont jeunes (16-22 ans) et ils font ca presque tous les jours de leur vie, pour un salaire mensuel d'une cinquantaine d'euros. Aussi leur esperance d'atteindre un jour les 60 ans en est tout bonnement inexistante.



Apres donc toute la journee de marche bien raide, sans pluie, ce qui est assez etonnant, meme pour le guide : la recompense ! Le bord du cratere ! Il est environ 17h, le soleil descend lentement sur le cote oppose et la vu sur l'interieur du volcan, a quelques centaines de metres en contre-bas, est a couper le souffle. D'autres groupes de trekkers avec leur guide sont aussi dans le coin, ce qui fait une petite trentaine de personne sur le bivouac. Tous les porteurs s'affairent de leur cote a faire la bouffe et monter le camps, pendant que nous prenons photos et ne cessons de nous extasier sur ce trou beant, et surtout sur le coucher de soleil de plus en plus beau a mesure que les minutes s'ecoulent. Nous apercevons meme, sortant des nuages, le Gunung Agung, point culminant de Bali, a 80 Km de la.

Seul ombre au tableau, le coin est degeulasse. N'importe qui (et les locaux les premiers, Lombok est crade aussi) jete ses detritus dans la montagne, et il y a des coins qui sont de vraies decharge a ciel ouvert, sur les flancs meme du volcan. Une vraie honte. Mais le concept d'ecologie n'est pas de leur priorite actuelle, et cela je peux le comprendre, malheureusement.

Bref ! Attires par l'odeur de bouffe, des bandes entieres de singes gris et de chiens sauvages se mettent a trainer autour du bivouac, arrivant a choper 2-3 trucs par-ci par-la. Il faut dire que, malgre les moyens limites et la marche de la journee, les porteurs nous preparent des plats supers bons. Bouffe locale, simple vu le contexte certes, mais on se regale. Poulet, carottes, riz, legumes en tout genre, epices de folies... Personnellement on m'aurait donne un rat creve je le bouffais aussi, vu les heures de marche dans les guiboles.

Les guiboles. Parlons-en, de celles-la. Tout le monde avait mal au jambes, et la sceance d'etirement de vingt minutes que j'ai entreprie en arrivant m'a sauve quelques souffrances le lendemain.



Le vent s'est mis a souffler des que le soleil fut couche. Une belle brise thermique venant du Nord. Il ne faisait deja pas chaud avant et j'avais fais peter pantalon et sweat-shirt dare-dare (environ 15-20 degres). Mais quand le vent s'est mis a souffler, le thermometre passait doucement sous les 15 degres...Puis on est passe de la brise a la bourrasque...pas loin de 100 km/h de vent froid se sont mis a balayer les sommets et le bord de cratere. Nous nous les pelions severe.
Le mec qui m'avait vendu le trek a l'origine m'avait promis de l'equipement individuel contre le froid (blouson, gants, bonnet a ponpon) : que dalle ! Il fallait donc mettre plusieurs couches : j'ai mis les deux t-shirt et les deux sweats qui representaient mon seul equipement pour lutter contre ces conditions. Evidemment c'est tres limite.

Le vent, qui faisait plier bizarrement nos tentes tellement il etait fort (mais c'etait marrant quand on savait que quelqu'un tentait de pioncer a l'interieur) avait l'avantage de degager completement le ciel de tout nuage. Le guide nous a repete que le ciel etait d'habitude toujours couvert la nuit et que nous avions beaucoup de chance. Je n'ai jamais vu un ciel comme cela. Jamais je n'avais aussi longtemps scrute le ciel d'hemisphere Sud. Jamais dans ma vie de je n'ai vu autant d'etoiles et pu observer la voie lactee si distinctement. Une chance de cornard ! Une tuerie pure et simple ! Un regal ! Des millions de soleils...et la Lune...gibbeuse decroissante, qui eclairait le bivouac comme un plein jour.

Par contre on se les gelait. Et il fallait se coucher tot car le reveil allait se faire aux alentour de 2h30 - 3h00, afin d'attaquer le sommet et y etre pour le lever de soleil. Bien evidemment, les duvets sont trop petits et/ou trop fins. Je partage ma tente avec Allison et Owain...on dort habille avec nos 25 couches et on continue de se les geler. Je suis peut-etre un des seuls trekkers qui ai pu trouver un peu sommeil malgre le froid, le sol dur et le vent qui forcissait sur la toile. Par un peu, j'entend peut-etre une heure de vrai sommeil. J'avais un mauvais presentiment la-dessus. Le bivouac etait a 2700 metres d'altitudes, et on ne deconne pas avec la meteo et le froid lorsqu'on dort si haut.

Jour 2 ("The judgement day")

Le lendemain etait donc le deuxieme jour de trek, et le plus eprouvant puisque 11 heures de marche nous attendaient, avec depart a 3h du matin et des bananes. Le reveil, pas trop difficile vu le froid, a vu notre guide faire la gueule quand a la perspective d'atteindre le sommet. Le vent glacial etait toujours tres fort, et l'attaque de la crete vers le sommet, de nuit, avec un vent lateral nous poussant vers les 500 metres de vide sur notre droite rendaient l'entreprise risquee. J'etais du meme avis, mais je voulais la tenter quand meme, en esperant que le vent baisse avec les premieres lueurs de soleil vers 5h, au moment ou les endoits les plus delicats sont a passer. Et puis, d'autres cordees avaient deja commence l'ascension et avaient facilement une demie-heure d'avance sur nous (je pouvais voir leur lampes-torche dans la masse sombre de la montagne).

On est donc partis vers le sommet avec nos lampes. J'etais personnellement equipe d'une pauvre lampe LED a dynamo avec marque GDF dessus, que j'ai piquee au salon emploi-technologie a Toulouse il y a presque un an. Et toujours deux t-shirt deux sweat. Et mon keffieh pour proteger ma gorge fragile (oooooh). Et mon sac que j'avais charge de flotte pour avoir plus chaud en le portant. Pas de l'equipement de furieux donc.

Apres deux heures d'ascension (une restante pour atteindre le sommet), ciel toujours clair, le vent ne baissait pas, et il faisait de plus en plus froid en grimpant. Nous frisions maintenant avec les 2-3 degres. La moitie du groupe, congele, (dont le guide a moitie malade) a fait demie-tour vers le bivouac. J'ai continue avec Owain et les danois. La derniere heure d'attaque du sommet est particulierement eprouvante car il s'agit de cendres. C'est comme si vous escaladiez, pendant une heure, un tas de graviers super legers. La progression est lente, et chaque pas en avant recule toujours...

Redescente du sommet - 28/10/10 - 06h - Derriere moi la caldeira
"Gunung Rinjani m'a tuer"

Le froid m'a fait renoncer a 1h du sommet. Oui vous etes decus, moi aussi je l'ai ete. Ca m'a meme dechire de devoir faire demi-tour. Mais je tremblais comme une feuille, tentant de gagner quelques calories en bouffant des gateaux aperitifs, seul a l'abri d'un rocher, utilisant mon poncho foireux comme pseudo coupe-vent. J'etais, sans equipement, les mains dans le froc pour les tenir au chaud, a 3500 metres d'altitude, par 100 km/h de vent, sur une crete exposee au bord d'un gros trou. Des imprudents meurent regulierement sur le Rinjani. A un moment donne il faut arreter d'etre con.




Les trois autres etaient equipes par contre, ils ont pu y arriver. Moi je suis redescendu seul, transi. J'ai pu quand meme, pendant ma descente, profiter du magnifique lever de soleil (malgre une vue plus obstruee que si j'avais ete au sommet) et prendre quelques cliches. L'Agung balinais etait encore visible, et l'ombre du Rinjani s'etendait loin sur la brume matinale vers l'Ouest. La grande ile de Sumbawa, a l'Est etait egalement visible...

Retour au bivouac vers 6h30, ou les porteurs m'ont prepare des pancakes de banane et un the chaud. Je les aurais embrasse. Le sommet est rate, mais la journee est encore longue, et beaucoup de choses restent a voir. Descente prevue dans le cratere, dans la matinee. Le temps d'attendre que les trois trekkers restants redescendent du sommet vers le bivouac, dejeunent, et nous nous remettons en route vers 8h30.

Le cratere est rempli de brume matinale, et la descente (2 heures 30 encore) est humide, raide et dangereuse. Je prefere de loin monter une montagne que la descendre. La descente raide de chemins en escaliers de rochers demande une grande concentration, et n'est qu'une succession de percussions mauvaises pour les genoux et les chevilles. Surtout quand vous n'avez pas les chaussures qu'il faut. J'ai une tres bonne paire de chaussure (des Meriell, une excellente marque allemande), mais qui ne sont pas montantes. Je n'ai pas eu une seule ampoule mais mes chevilles ont severement morfle.

Autre recompense a l'arrivee : de verdoyantes collines pleines de hautes herbes donnant sur quelques sapins improbable au bord d'un lac bleu turquoise/gris/pourpre/violet (un peu psychedelique comme lac), et ces grandes falaises formant le rebord du cratere. Epoustouflant. Deuxieme recompense, la plus attendue : les sources chaudes, pas loin du lac.



Quarante degres de bonheur sulfure et de detente des guiboles (qui commencent a couiner) pendant une demie-heure seulement. Plusieurs bassins disponibles, de 20 a 90 degres (ce dernier etant a eviter pour autre chose que la cuisson d'oeufs durs).

Autant vous dire que ca a fait plizir. Retour ensuite vers le bord du lac ou les porteur nous on prepare le dejeuner. Il est midi et nous sommes debout depuis 8 bonnes heures, dont la quasi totalite a marcher. Apres le repas, la tendance est donc a la sieste...mais le guide veille au grain. "Si je vous laisse dormir maintenant, vous serez des feignasses". Et il n'avait pas tord.

L'apres-midi serait consacree a la remontee du cratere, du cote oppose d'ou nous l'avions descendu. Apres une demie-heure a contourner le lac de la caldeira, la montee elle-meme etant d'environ de trois heures de grimpe tres abrupte (la plus dure a realiser depuis le debut, en plein cagnard, un vrai calvaire mais nous avons une chances enorme d'avoir beau temps) fut suivi par une "pause biscuits/photo" sur le rebord du cratere.

Vue de la caldeira vers l'Est

Moi, Mike, Alex, Allison, Sane, Lars (Owain est absent).


Puis nous avons entame la redescente vers Senaru. Le temps de trajet vers le village etant d'environ 6 heures de marche a partir du bord de cratere, nous avons juste marche une heure trente afin d'arriver au second bivouac, sur les pentes Nord-Nord-Ouest du Rinjani, afin de passer la nuit a la frontiere ou l'environnement caillouteux et aride montagnard fait place a une jungle epaisse (protegee).

Le soulagement a l'idee de pouvoir enfin se reposer, manger et dormir est indescriptible. Etirements des jambes. Aie.
Les porteurs font un feu de joie, ce qui permet de rechauffer les coeurs et d'eloigner les singes un peu trop nombreux et insistants. Mais ce feu est vite eteint car la premiere pluie du trek commence a nous tomber dessus aux environs de 19h (nuit noire). C'est sous un benong (paillote locale) que nous terminons notre repas. A 19h30-20h, tout le monde etait couche et, bien que je sois le dernier de tous les trekkers a le faire (j'essayer de communiquer avec les porteurs apres le repas, ainsi qu'avec deux militaires francais de Djibouti, avec qui j'ai eu moins de mal...), j'ai ecrase severe dans les premieres minutes ou ma tete etait posee. Le sommeil du juste.

Reveil, jour 3. Un compagnon rend visite.



Jour 3 ("Achilles' Failure")


"Wake up everrrrybodyy. Good morrrrning !".La voix de Suki, le guide. 6h30 du mat'. Apres une petite douzaine d'heures de sommeil, c'est dur. Je me leve, boucle mon barda et les jambes me font mal. Il fait encore un peu frais (mais rien de comparable avec l'ascension du sommet de la veille). En revanche la jungle epaisse concentre une humidite hors du commun.


Un petit dej' rapide et nous nous mettons en marche, pour quatre grosses heures de descente a travers la jungle. Descente, non abrute, mais faitguante : plus de cailloux a eviter, nous sommes desormais sur une piste de boue serpentee par des racines nombreuses, epaisses et glissantes. La densite de la jungle est un bonheur...les singes, quinze metres plus haut, nous suivent d'arbre en arbre en nous gueulant dessus.


Je n'aime pas la descente. Des la premiere minute de cette troisieme journee, je savais que j'allais souffrir pendant toute la duree jusqu'a Senaru. La partie basse de mon mollet gauche, ainsi que la liaison de ce dernier au pied (qu'on appelle courament tendon d'Achille) me font terriblement souffrir. Je suis donc oblige de changer ma tactique de descente et d'absorption des chocs, en reportant le tout sur les genoux et les cuisses (qui ont aussi leur kilometrage depuis 48h).


Je traine la patte et rapidement me retrouve a fermer la marche du groupe de trekkers, dans l'obligation de faire de nombreuses pauses afin de soulager un peu la douleur et de reposer mes jambes qui commencent a trembler. Quelques heures plus tard, toujours descendant dans cette jungle qui n'en finissait plus, sur ce volcan qui n'en finissait plus de descendre, mes guiboles et mes genoux, plus sollicites qu'a l'accoutumee vu que mon pied gauche etait inefficace, avaient peine a supporter mon propre poids.


C'est donc fatigue et boiteux que je suis arrive a Senaru apres environ 25 heures de marche (et je me suis meme demerde pour faire partie des premiers), le sourire aux levres quand meme ! Car l'experience fut enorme.

J'en reviens donc a la petite morale que j'avais au debut. Car les jours precedents et les jours suivants mon trek ont vu des conditions meteorologiques empechant toute ascension meme jusqu'au cratere du Rinjani. La saison des pluies etant maintenant installee, le volcan risque d'etre ferme a tout trek dans les trois semaines a venir, et ce jusqu'en Avril.


Je n'aurais jamais vecu cela si j'avais attendu, ne serait-ce qu'un jour de plus, mes "amis" rencontres a Nusa Lembongan....et je n'aurais jamais ecris cela. Et je n'aurais pas rencontre la personne qui est a cote de moi dans le cyber cafe presentement et dont la langue me parait etre le russe.

Vous me direz avec des "si"....evidemment. Voila donc un des avantages de voyager seul : on ne s'encombre pas de la latence inherente a la prise de decision des autres. Et au final, on fait ce qu'on veut, et uniquement cela.

Mais je m'egare...

Le temps donc, de revenir a l'hotel, de repaqueter tout mon barda (toute ma vie quoi), de prendre une douche, et il etait environ 14h. Rappelez-vous que j'avais le droit au trajet sur une destination de mon choix, apres le trek.

J'ai choisi (comme Alex, Mike et Allison) l'archipel des minuscules Iles Gilis (Nord-Ouest de Lombok), et en particulier Gili Trawangan, reputee paradisiaque aussi bien que festive. Lieu de rendez-vous de tous les backpackers parcourant un jour l'Indonesie, et ce depuis les premiers routards hippies des 60's.


Ce que j'y ai trouve la-bas est (encore) une des experiences les plus enormes qui me soient arrives depuis le debut de ce voyage...


Je vous raconte ca au prochain post. Desole pour la longueur de celui-ci, mais il est difficile de vous faire partager ces choses sans y mettre quelques anecdotes croustillantes et quelques feelings et pensees (et jugements hatifs, niark niark) personnels.


Continuez de poster des comments. Vous etes BONS.


Peace, Love, Aperitif.







4 commentaires:

  1. ouffff!!!!!..... quel périple et quelle narration !!je lis ton récit alors que dehors ,c'est une véritable tempete (vent ,pluie froid)par contre ,moi je suis bien installée ds mon canapé et j'imagine trop bien ce que tu as du endurer pour faire cette ascension.Brrrrr....je n'aurais pas aimé ...trop froid ,mais dis moi ,ya pas d'hélico pour y arriver + vite?non, je plaisante car malgrè la fatigue tu dois etre très heureux et je suppose très fier aussi .En tout cas cette expérience restera gravée ds ta mémoire à tout jamais ,et c'est bien là l'essentiel.Ce que tu fais est formidable et c'est super sympa de nous le faire partager .Bravo Olive ,continues d'écrire ,c'est trop bien!.....Mais sois prudent et prends soin de toi .Je pense fort à toi et je te fais pleins de gros baisers.Maman

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  2. Mec... Quel periple ! Et quel courage d'avoir laissé tomber. Ca porte loin tes histoires, j'ai senti les sources chaudes jusqu'ici !
    Et beau rattrapage de conclusion ;-)

    C'est toi qu'est BON. Et moi aussi je te fais pleins de gros baisers ;-)

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  3. Je suis toujours aussi fan ... en plus là, tous les noms de lieu ont l'air de sortir d'une histoire de Hellboy !

    ça manque quand même d'information sur ton maillot de bain vert du meilleur goût.

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  4. Putain de merde, mec.
    J'ai entrepris de relire ton blog depuis le début (par peur d'avoir raté des épisodes, et par grosse pas-envie de bosser). Cet article a une putain de gueule. Et je m'attends à me reprendre encore deux/trois claques sur la grosse dizaine de posts qui me restent.

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