jeudi 1 décembre 2011

Welcome To The Jungle



Sawadi krap à tous.

Merci aux quelques uns qui passent encore ici et qui ont encore le cran de faire commentaires et critiques. Remarquez, je ne peux pas vous en vouloir, vu le temps écoulé depuis le dernier post. Ce n'est pas nécessairement le manque de motivation qui m'a tenu écarté de mon aventure bloggesque ces derniers temps mais d'avantage les évènements de ma vie privée qui m'y ont contraint. Car voyez-vous, autant je me battais comme un beau diable pour vous donner des news fraîches lorsque j'étais en plein dans le Jalan Jalan, autant depuis les nombreux mois où je suis finalement de retour en France, les choses se sont quelque peu précipitées. Il faut croire que notre monde occidental est bourré de contraintes...

Étant bien conscient que l'excitation du lecteur se trouve quelque peu altérée par le fait d'être loin du "temps réel" vis à vis du récit, j'ose espérer tout de même que ce billet vous plaira autant que je prends de plaisir à l'écrire. Et n'ayez crainte, les souvenirs sont frais dans ma tête (et mes quelques notes de l'époque -pas si lointaine- me permettent de rentrer dans le détail).

Frais sont les souvenirs. 6 Mars 2011...

Un bus...
Un enième bus depuis que je voyage par la terre, depuis maintenant presque un mois et demie, dans un périple au travers de cette incroyable Asie du Sud-Est, depuis que mes pas ont foulé le sol de la capital vietnamienne, Hanoi. Des dizaines d'heures de bus depuis fin Janvier 2011 me trimballant le long de la Mer de Chine, afin de bifurquer vers le Cambodge, où je n'ai passé que trop peu de temps. Me voilà donc quittant ce dernier pays pour revenir, après trois mois, dans ce fabuleux coin qu'est la Thaïlande.

Ah ! Bangkok la vibrante !
Cette fois-ci, pas de risque de dépassement du visa (ahem, à priori) : mon passage à l'ambassade Thaï de Phnom Penh porte ses fruits puisque je suis tranquille pour 60 jours sur le territoire. Le point de passage de Poipet -le plus emprunté des touristes vu sa proximité avec les temples d'Angkor- n'est pour moi qu'une formalité car j'ai déjà un visa, et les difficiles relations diplomatiques entre les deux pays (les armées se foutent régulièrement sur la gueule pour avoir la souveraineté sur certains temples bouddhistes non loin de la frontière) ne sont que très légèrement palpables à cet endroit. Comme à mon habitude, je tombe sur un couple de Français plutôt sympa avec qui je discute rapidement lors des démarches administratives de vigueur à la frontière.

Je ne m'attarde pas. J'ai hâte de remonter dans le bus pour me taper les trois heures restantes avant l'arrivée à Bangkok. Comme pratiquement à chaque "atterissage dans un nouveau pays", je ne serai pas tout seul. Ce fût d'abord le cas avec ma propre maman à Bali en Octobre. Puis Maïna et Steph à Chiang Mai ou encore Matthieu et Maly à Manille mi-Décembre. Croiser des visages connus fait toujours un bien fou lorsqu'on voyage seul et avec la tête dans le guidon constamment.


Là, c'est encore un vrai visage familier qui m'attend à Bangkok (enfin j'espère). La raison de ma précipitation au Cambodge et de la tentative d'organisation de mon planning de backpacker (ce qui est, si vous voulez mon avis, une oxymore remarquable). Ma cousine Morgane est en effet dans la place, fraîchement débarquée de France. La voilà en Asie du Sud-Est, qui est alors devenu mon "terrain de jeu", dans lequel je me sens à l'aise, même si j'ai encore tout à découvrir... Cette expérience thaï avec Morgane, si elle fut marquante, fut également une autre vision de la Thaïlande que celle qui me fut offerte à mon premier passage quelques mois auparavant.

Voilà Mo, 6h de jetlag dans le bide, dévalant nonchalamment une rue bangkokienne


Tout d'abord, ma folie des coins crades et pas chers d'une Bangkok que j'avais déjà pu apprendre à aimer fut quasi instantanément balayée par les velléités "différentes" de Mo. Rendez-vous en milieu d'après-midi à Thewet, un petit quartier situé à 2 Km au Nord de Banglamphu (Kaosan Road et consorts), le long du fleuve Chao Phraya. Juste un petit poil plus cher, plus calme et carrément plus clean que le ghetto des backpackers, le coin de Thewet, trouvé par Mo via son 'superguide' (j'y reviendrai) se révèle être un excellent compromis que finalement peu de gens, même habitués de Bangkok, connaissent. La proximité des bateaux-bus de la Phraya en fait un choix sympa pour taper vers l'hypercentre comme Siam Square, Sukuhmvit, Patpong ou Chinatown, et la proximité avec Kaosan Road est toujours un plus pour avoir de quoi remplir ses soirées arrosées bangkokiennes.

À peine descendu du tacos qui me ramenait vers Thewet, je regarde autour de moi pour chercher Mo. Bien évidemment, comme je suis dans les vappes, je ne vois pas ce que j'ai devant mon nez. Il a fallu qu'elle me saute de dessus pour que je finisse par la voir...Retrouvailles.

Une bière Chang, notre première, est partagée. Nous voilà à trouver rapidement notre piaule (avec un standing clairement au dessus de ce que vous trouverez vers Kaosan), puis au 7 Eleven le plus proche pour acheter quelques Chang afin de nous trouver un petit ponton en bord de Chao Phraya avec de quoi picoler. Après un certain temps, nous décidons de nous rendre dans un temple bouddhiste tout proche, afin de "remercier Bouddha pour ce voyage".
Ça, c'est le dada de Mo. N'ayant personnellement aucune conviction d'ordre religieuse, je la suis sagement dans cette micro-aventure (mais attention je ne suis pas contre, j'ai du coup remercié Bouddha à fond, parce que bon, si c'est lui qui gère mon Jalan Jalan, il envoie du steak quand même, le gazier). Nous nous retrouvons à cramer des encens et à écouter des bonzes, reliés avec nous par la tête grâce à un réseau impressionnant de ficelles pendues au plafond afin de connecter tout le monde dans le délire, réciter des mantras bouddhistes sans arrêter pendant 45 minutes, de cette manière qui est la leur : singulière, froide et monocorde. C'est un spectacle impressionnant et envoutant, mais quand on est simplement spectateur, ça devient long au bout d'un moment (désolé). Au final on se sait même pas si on va rester coincé avec les bonzes pendant toute la soirée, alors ça devient juste drôle...

Les berges du Chao Phraya, lieux d'étonnants manèges nuit et jour
 

Le reste de cette première soirée se passe avec quelques Chang (loin de moi l'idée de faire de la pub à cette marque de bière, il s'agit simplement de la plus consommée dans le pays, devant la Singha, la Leo et la Tiger), assis sur un trottoir de Kaosan Road, où il suffit simplement de s'écarter et de regarder pour trouver un spectacle hallucinant. De backpackers défoncés, de prostituées Thais qui tentent de les attirer, de tous ces commerçants de bouffe, de textiles, de voyages, d'artisanat et de rêve, qui vont et viennent et finissent par fermer boutique sur les coups de 3 heures du matin, alors que l’effervescence de cette rue incroyable commence doucement à redescendre. Kaosan Road, Thanon Kaosan, pour nos amis Thailandais, est un endroit de furie, d'échange, de débauche et de tourisme de masse. Mais clairement, il n'y a que peu de côté malsain dans ce coin là de Bangkok. La plupart des voyageurs y squattant n'étant que des backpackers à petit budget cherchant simplement à faire la fête. Nous sommes encore loin des coins plus glauques de la capitale. Bien que Mo soit avec moi, cet esprit kaosanien ne m'habite pas, et c'était déjà le cas lors de mon premier passage à Bangkok début Décembre. Mais j'adore y passer car cet endroit vibre de toutes ses forces.

Une désormais classique, un toit d'un des milliers de temples de la capitale

Lendemain, 7 mars, première journée et lever tard. Nous profitons d'un petit dej' délicieux sur Thewet et nous bougeons vers Banglamphu pour trouver un cyber café vers Thanon Ram Buttri (la guesthouse Green House gère un restau pas mauvais et le cyber café le moins cher du coin). Cela nous permet de donner des news à la familia mais aussi de commencer à planifier la route vers le Sud, direction que nous avions choisi de prendre rapidement (nous ne voulions pas nous éterniser dans Bangkok). Dans cette même rue, nous rentrons dans un magasins de costards, car voyez-vous j'avais décidé de profiter d'être dans le coin où plein de tailleurs népalais sont en concurrence pour me faire tailler un ou deux costards pas cher. C'est finalement sur "M.Armani" que s'arrête mon choix. Loin d'avoir un rapport de près ou de loin avec l'Italie, Monsieur Armani me propose un prix correct et semble faire correctement son taf. Après le choix des tissus et la prises des mesures, nous nous donnons rendez-vous le lendemain pour le premier essai. Ouais, ils bossent vite en plus, probablement grâce aux gamins dans l'arrière-boutique...


Nous prenons le bateau-bus sur le fleuve pour descendre dans le coin de Chinatown, à peu près sur les traces que j'avais laissées au mois de décembre. Ce passage dans le coin chinois, complètement à l'aventure, m'avais marqué et je décidai donc d'y trainer Mo. On achète quelques fringues, on se galère à faire comprendre aux Thais que l'on cherche un jeu d'échecs pas cher pour occuper nos petits moments (chose qui fut un succès), et nous traçons à nouveau la route vers Siam Square, le quartier des affaires ultra-moderne. Nous atterrissons finalement du côté de Patpong.



Chinatown, "Thai Concrete Jungle", Bangkok


Patpong, que je découvrais en même temps que Mo, est avec certains Soi proches de Sukhumvit, le lieu de tourisme sexuel de Bangkok. À cet endroit, le sexe est partout, vendu en pleine rue comme une marchandise dans un système de consommation de masse. Pigalle, c'est le Vatican à côté. Des prostituées par centaines, des stripteaseuses magnifiques partout, le péquin moyen pourrait vite tomber dans le piège. Et il y a ces ping pong shows, véritables symboles de la Thaïlande misogyne. J'en ai déjà parlé lors de mes précédents posts sur le pays. Vous en trouverez facilement dans les coins à sexe de la région (Patpong donc, mais aussi dans les endroits comme Phuket ou Pattaya notamment). Grosso modo ce sont des shows où une femme nue sur une scène se cale -entre autres- des balles de tennis de table dans le vagin. Armé d'une raquette de ce même sport, vous devez tenter de rattraper la balle qu'elle vous envoie à pleine vitesse par la seule force de ses muscles vaginaux. Ces filles-là (car ce sont indéniablement des filles) ont probablement de la corne à la place d'un orifice, vu qu'elles sont capables de décapsuler les bouteilles d'Orangina avec leur outillage, non sans avoir oublié de secouer la bouteille avant sinon la pulpe reste en bas. [voilà, ça c'est fait, NDR]

Patpong, Bangkok

Par simple curiosité (et non par excitation, ce genre de truc étant d'avantage pathétique qu'émoustillant), nous nous sommes aventurés dans l'un d'eux. Gare à l'arnaque ! La plupart des rabatteurs pour ping pong show vous file un papier permettant l'accès gratuit au lieu. Sous réserve de prendre une conso. Plus spécifiquement, une conso pour vous et une conso qu'il faudra payer à la jeune demoiselle à poil qui ouvre goulument ses jambes devant vous. La moindre bière coutant 15 euros, vous sortez de là avec une note inattendue. Surtout que nous n'y sommes pas restés bien longtemps...En conclusion : pas spécialement un gros kiff comme expérience. Mais c'est toujours une expérience de plus...

Ragaillardis par un tel spectacle, nous remontons la grande avenue de Thanon Sukhumvit pour rejoindre dans un bar-lounge-pour-expat-blindé-à-la-con une vieille connaissance de Mo, Mickaël, qui se trouve bosser à Bangkok, ainsi que la compagne de ce dernier, une charmante thaïlandaise ne parlant pas le français mais sachant l'anglais. L'expérience est quelque peu déroutante alors que nous partageons un verre et je ne cache pas mon ennui profond alors que seuls Mo et son pote trouvent l'énergie de discuter. La compagne en question semble crever de désespoir également. Personnellement je n'ai qu'une envie : me barrer.
Ça ne durera pas longtemps car tout le monde avait l'air de s'emmerder dans ce florilège de bienséance sans intérêt à l'occidentale.

Une telle journée à marcher partout, vous le savez, c'est assez éprouvant, et nous ne tardons finalement pas à rentrer en direction de Thewet, où nous bouffons une soupe achetée dans une cariole de coin de rue avant de tracer tranquillou vers les plumes.

Encore entrain de raconter des conneries une Chang à la main. Bangkok.

Le lendemain est encore plus cool que la veille, puisque nous restons dans le coin de Banglamphu. Nous avons lâché notre piaule à Thewet (tout en y laissant nos sacs) dans le but de trouver un bus pas cher pour prendre la route du Sud. Après moult inquisitions, nous apprenons qu'il est trop tard dans la journée pour prendre un bus touristique. En revanche, la vaillante Thaï qui nous renseigne dans cette agence de voyage du Soi Rambuttri nous apprends qu'il y a moyen de choper des bus de voyage locaux, en se rendant à gare routière Sud de Bangkok (je note son nom en local pour le taxi : สถานีรถประจำทางในภาคใต้). Le temps pour nous de récupérer nos sacs, prendre un tacos et nous voilà, dans la soirée, à la grande gare routière.

On achète les billets directement sur place. Pour moins cher que via les agences de voyage touristiques du coin de Banglamphu. L'opération se fait aussi facilement, sans aucune difficulté, le bus pour locaux est tout autant, voire plus confortable que les bétaillères à touristes, et se trouve moins exposé aux vols (qui sont légion chez ses derniers). Un plan en or pour barooder en puissance voyageant pas cher, que j'ai réutilisé quelques semaines plus tard (car mes aventures à Bangkok sont loin d'être terminées).

Partis vers 22h, nous voilà en route vers le Sud. Il y en a pour environ 8 heures. Et c'est là que l'on se rend compte à quel point la Thaïlande a compris que faciliter la vie au voyageur/touriste allait développer son économie. C'est de loin le pays de ce Jalan Jalan où se mouvoir d'un point géographique à un autre est le plus facile.

La côte Thaï, proche Lang Suan est déserte de tout tourisme

Nous avions demandé au chauffeur de nous larguer à Lang Suan, qui est une petite ville située sur la côte Est de la péninsule Thaïlandaise, située à un peu plus de 500 km de la capitale. C'est sur les coups de 4h du matin que le bus nous largue au milieu de nulle part, proche de la ville en question. Nous, nos sacs et personne alentours. Personne ? Pas tout à fait. Comme par hasard voilà deux mecs en bécane qui sont postés là, au milieu de rien, aux premières lueurs du jour. Ils ont sûrement été prévenus par le chauffeur du bus que deux Farangs débarqueraient et se retrouveraient en galère.

Ils nous proposent de nous emmener dans un homestay . J'essaie de négocier quelque peu mais au vu de la situation c'est plutôt peine perdue, même si j'arrive à obtenir un petit rabais. Et puis nous sommes crevés donc trouver un lit est une priorité. Je monte dernière un gars, Mo derrière l'autre et en avant.

Alors sachez, chers sympathiques lecteurs, que même en Thaïlande, se pointer dans un homestay sur les coups de 5h du matin pour choper une piaule est souvent voué à l'échec. Le premier endroit où le mec nous emmène connait vraisemblablement son propriétaire endormi, et nous demandons au gars de ne pas insister vu que l'endroit nous plaisait moyennement et que nous préférions être devant la mer (oui, même à bout de fatigue on reste des casse-couilles). Le deuxième essai sera le bon. La piaule n'est pas grandiloquente, la plage pas des plus magnifiques, mais enfin le soleil se lève sur la Mer devant nous et nous ne demandons pas mieux.


Aube sur Lang Suan



Il faut savoir que le plan de s'arrêter dans ce patelin paumé qu'est Lang Suan, bien qu'à l'arrache comme d'hab, répond à deux problématiques toujours ouvertes en ce 9 mars. La première étant de chercher un bel endroit bien posé et bien roots sur une des plages de la côte Est - toujours dans le souci d'éviter la zone de Phucket. J'en avais entendu du bien de la part de mes compagnons de route Antho et Anso rencontrés quelques mois plus tôt sur l'île de Koh Phi Phi. Mais je savais qu'ils avaient été dans le coin de Chumphon, qu'on avait déjà dépassé de 80 km vers le Sud. Mes informations étaient donc très limitées sur les possibilités alentours.


En revanche, l'extraordinaire guide de voyage de Mo (basé sur le principe de l'écotourisme)  nous avait mis l'eau à la bouche sur certains plans pas mal dans le coin. Si vous regardez la carte, vous verrez que Lang Suan se trouve à la croisée des chemins entre la grande route Nord-Sud et la petite "départementale" fonçant en direction de la côte Ouest de la péninsule, et notamment la ville de Ranong, qui représente le point de passage le plus important du Sud du pays pour rentrer au Myanmar. Notre but ultime n'étant pas de changer de pays, mais de nous rendre sur la côte Ouest où se trouve le parc naturel de l'archipel de Koh Surin, renommé pour son côté sauvage et magnifique, lieu de vie du peuple Moken, les "nomades de la Mer".

Mais ce véritable paradis sur Terre qu'est Koh Surin n'était pas pour tout de suite. Nous avions repéré dans le guide, un petit hôtel d'écotourisme situé au milieu de la jungle, le long de cette fameuse départementale (la route 4006), à environ 20 km de la côte Ouest. Son nom : le "Runs 'N' Roses". Forcément..."Welcome To The Jungle", comme dirait ce cher Axl.


5 heures et demie. Lang Suang. "Enjoying the view, taking pictures you know...". La fatigue est néanmoins visible.

Je décide d'appeler, et tombe sur la gérante de l'endroit, Ingrid, une néerlandaise. Je lui annonce que nous sommes intéressés mais quand elle m'indique le prix d'une nuit, nous sommes rapidement refroidis. En effet, on nous annonce des prix à l'européenne. Je lui sors qu'on la rappelle, car nous avons besoin de délibérer par rapport à la suite du voyage et à notre budget. Visiblement il semble impossible de négocier (on est pas en présence de locaux pour le coup).

Avec Mo, Runs'N'Roses nous fait beaucoup trop cher par rapport à nos envies et notre budget de baroude. Je décide donc dix minutes plus tard de rappeler Ingrid, par politesse afin de lui annoncer que ça ne sera pas bon pour nous. Vraisemblablement cette dernière en avait aussi discuté avec son mari, et vu qu'il ne devait pas y avoir foule, voilà qu'elle m'annonce non seulement qu'ils étaient prêts à faire un effort sur les prix, mais qu'ensuite c'est nous qui décidions combien nous voudrions donner ! Le voyage avec Mo avait déjà commencé sous les meilleurs auspices à Bangkok qu'une autre bonne nouvelle venait donc de tomber !
Enthousiasmés car l'endroit semblait vraiment classe sur le guide éco-touristique, nous acceptons l'offre et prenons connaissance de la route pour rejoindre l'endroit.

En ce 9 mars donc, après seulement une grosse demie-journée dans notre homestay, nous voilà en milieu d'après-midi sur la remorque d'un pick-up qui nous dépose au centre-ville de Lang Suan. Alors, "centre-ville" est un grand mot, tant cet endroit est absolument mort et relativement petit. Seuls occidentaux à la ronde, le barda sur le dos, notre présence dans la rue principale proche de la "gare routière", désertes l'une comme l’autre, semble attiser la curiosité des locaux. En fait la gare routière est juste une place de parking pour un bus avec une baraque vide à côté, pour information.

D'information, nous en manquons, justement. Car nous souhaitons prendre le bus qui prend cette fameuse départementale allant vers l'Ouest, mais personne à la "gare" n'est présent pour nous indiquer le chemin et les horaires. Nous décidons alors d'aller demander aux gens qui nous zieutaient aux alentours. Bien évidemment, dans ce coin paumé de Thaïlande, personne ne parle un traître mot d'anglais. D'ailleurs, soit dit en passant, l'anglais de Mo n'est pas beaucoup plus évolué que celui du paysan Thaï moyen, ce qui nous a fait pas mal marrer pour le coup.

Bon, alors c'est la véritable galère pour faire comprendre aux gens que nous attendons un bus (en même temps, avec nos sacs, nous n'étions certainement pas là pour chercher un spot de skateboard, nous sommes d'accord), pour leur faire comprendre où nous voulons aller et pour essayer de comprendre si un bus va passer dans la journée et si oui, quand ? Mais peu à peu, à force d'insister, de batailler et de rigoler avec ces locaux absolument adorables, la lumière jaillit. Un sympatique Thaï à moustache semble je-ne-sais-comment comprendre notre requête et nous fait le signe "un" avec son index (oui, c'est ça la lumière).

Morgane, qui est l'optimiste de service, en déduit "une heure avant le bus".
Je rétorque "Ça pourrait tout aussi bien être 'un mois' ou 'une demi-lune', ou encore 'un euro pour avoir l'info' ", vu que je suis le pragmatique relou de la bande. Quoi qu'il en soit, on a le temps de bouffer, et ça tombe bien vu qu'on a la dalle. On s'arrête donc dans le petit boui-boui en vue de la gare de bus -au cas où-, puis on se fait servir un plat local dont je n'ai aucun souvenir mais qui n'était pas à noter dans le Michelin, même si les gens qui l'avaient préparé avec amour et volupté étaient bien sympas.

Peu après avoir terminé le repas, voilà donc un bus qui arrive. Il faut croire que c'est Mo qui avait raison ! Nous voilà donc en route pour le Runs 'N' Roses, environ 50 minutes de bus (rempli à raz bord de Thaïs voyageant tranquillement, nous dévisageant au début puis devenant très rapidement tout à fait indifférents à notre présence). Là aussi, le chauffeur ne parle pas anglais et j'ai toutes les peines pour m'assurer qu'il a bien compris où nous allons. Mais ils gèrent, ces gens-là, et une fois arrivé dans un micro-patelin perdu dans la campagne/jungle, nommé Pak Song, on nous fait signe de descendre.

Le doute sur la bonne destination s'envole rapidement lorsque nous voyons une femme occidentale sortir d'un 4x4 et venir vers nous. Il s'agit en effet d'Ingrid, qui comme promis venait nous chercher directement au village sur le passage du bus. Ingrid est une femme d'un gabarit relativement impressionnant, 1m85, rousse au cheveux courts, 145 kg (nan je déconne). on sent tout de suite qu'elle n'a pas les deux pieds dans le même sabot et que si elle vous met une gifle, les cervicales sautent.

Il faut avouer qu'avec l'histoire de la négociation des prix et des appels téléphoniques du matin, le malaise est palpable de notre côté, mais Ingrid sait se montrer immédiatement accueillante et chaleureuse ce qui nous détend un peu. Très rapidement, nous arrivons à l'endroit (situé à environ 1.5km de Pak Song).

Le Run's and Roses est un petit hotel/homestay basé sur l'éco-tourisme qui comporte un nombre très réduit de chambres (3 ? 4 ?) organisées en bungalows dans la "jungle". Bon, le mot "jungle" est un grand mot, c'est pas non plus l'Amazonie. Mais vous vous retrouvez là, vous êtes en pleine nature, dans cette forêt primaire où le silence n'existe pas.
Soyons clair : cet hôtel est paumé au fin fond de la campagne Thaï, très loin des circuits touristiques. Donc ne vous attendez pas à des soirées de folie et des gens partout, mais à un calme incroyable et une sensation de plongeon dans la nature généreuse de l'Asie du Sud-Est. La nuit tombe vite, et à 21h tout le monde est rentré dans sa chambre, le "restaurant" de l’hôtel est fermé et il n'y a absolument plus rien d'autre à faire que de se rentrer aussi, discuter sur la terrasse, lire un livre, fumer une clope ou jouer aux échecs devant la gigantesque masse sombre de la forêt d'où provient un raffut impressionnant des millions de petites bestioles qui la peuplent. Une immersion incroyable, des odeurs, une puissance et des vibrations très particulières.

"Bordel, c'est quoi cette écrevisse sauvage de 30cm" ?



Ce principe impose un rythme de vie axé sur la Nature elle-même, ainsi que le contact humain avec d'une part Ingrid et son mari, qui gèrent les lieux, ainsi que les autres convives du homestay. Aussi Ingrid fixe-t-elle les horaires des repas, car tout le monde mange ensemble (les gérants avec les clients) autour d'une grande table ronde de bois exotique, le tout sur une magnifique terrasse en hauteur avec une vue sur la jungle tout bonnement hallucinante. Certes, les prestations, disons "matérielles" et "culinaires", étaient d'un niveau nettement au-dessus de tout ce que j'avais fait jusqu'à maintenant dans ce Jalan Jalan, ce qui d'ailleurs justifie le prix (la bouffe est délicieuse et les chambres sont magnifiques), mais au-delà de ça, le respect de la Nature et les relations humaines semblaient être le fil rouge de toute la gestion de l'endroit.

Le lieu commun de vie, de restauration du Runs'N'Roses
  

D'ailleurs, lors de notre passage, deux autres chambres sont occupées : deux amies d'une soixantaine d'années ainsi qu'un couple de québécois d'environ 50 ans, Danielle et Daniel avec qui nous avons eu l'occasion de bien sympathiser lors de ces longues soirées à discuter dans la forêt Thaï. Tous restaient pour une période bien plus longue que nous au Runs'N'Roses. L'endroit est en effet plutôt prisé par des touristes recherchant le calme asiatique (du genre que l'on peu retrouver par exemple sur les 5000 îles sur le Mekong, au Laos), avec un confort sympathique moyennant finance, plutôt que le soleil, la plage, les cocotiers et la frénésie de certaines îles comme Phuket ou Phi-Phi. Le climat en reste très chaud et humide : on est quand même sérieusement dans le Sud du pays.

La base réelle de l'existence du Runs'N'Roses, c'est cette école et cette infrastructure d'accueil pour jeunes orphelins Thaïs, disposés à côté de l'hotel. Le homestay en lui-même n'est qu'une vitrine éco-touristique pour mettre en valeur le projet ainsi que lui garantir des rentrées financières. Donc même si ça coute un peu cher, sachez que vous faites de toute façon une belle action en aidant Ingrid et son mari à développer ce petit centre d'accueil perdu au fin fond de la forêt du Sud de la Thaïlande. À l'heure où j'écris ces lignes, le nom a changé et est devenu "TCDF Eco-Logic", qui, reconnaissons-le est un nom tout à fait pourrave, mais bon.
Bonne ambiance avec les Daniel's québecois

Alors, qu'avons nous fait aux alentours du Runs'N'Roses ? Non parce que c'est bien beau de leur faire de la pub gratuite (ils la méritent), mais faut aussi avancer dans le récit. Finalement, avec le recul nous ne sommes pas restés longtemps (moins de 48 heures au final) dans cet endroit. Plusieurs raisons à cela : le prix et le temps. D'une part il n'était pas spécialement prévu de s'arrêter en chemin à cet endroit là, même si nous avons eu raison de le faire. Aussi, le principe d'Ingrid, du "donner ce que vous voulez", exceptionnel pour nous, est à double-tranchant. Je ne me rappelle pas du montant que nous avons laissé, mais nous étions relativement mal à l'aise, au vu de la qualité de l'accueil. Ce principe là quelque peu précipité le départ, et il nous fallait avancer.

Avancer oui, mais comment, lorsqu'on est au fin fond de la pampa thaï (tiens, c'est joli ça, "PampaThaï", c'est musical) ? Mon pote Nans, ouais celui de Nus et Culottés, vous dirais qu'il n'y a qu'à faire du stop. Alors en avant pour le stop.

Peace, Love, Respect to the dancefloor.


Si vous observez vraiment vous observerez une Mo sauvage chassant le ragondin

Un bisou sur la truffe à celui ou celle qui me trouve le nom vernaculaire de cette jolie fleur

Une carte sympa dans le Runs'N'Roses

Les tronches improbables et les regards mouillés des backpackers égarés


Les piaules

La vue depuis la piaule, ça change de la Grande Motte

La piaule elle-même

Voici donc un arbre avec des feuilles sans aucune particularité

Mo marchant vers son destin. Aux alentours du village de Pak Song, province de Chumpon.




lundi 28 novembre 2011

The Perfect Design


Sousaday à tous.



J'ai entendu pour la première fois parler des temples d'Angkor dans un jeu vidéo. La petite plaisanterie remonte à 1993, où j'avais hérité sur ma Super Nes d'un jeu de rôle acheté par mon frère, nommé Illusion Of Time (Illusion of Gaïa dans d'autre pays). Ce petit bijou vidéo-ludique mettait le joueur dans la peau de Paul, un gamin qui cherche à retrouver son père aventurier, disparu depuis un bail, ceci avant de se rendre compte que son véritable dessein est de sauver le monde en contrant le Mal Absolu, incarné par la Comète du Chaos. Son aventure le mènera à affronter toute sorte de créatures maléfiques, et se retrouver dans les endroits les plus mythiques ou connus du monde : la Grande Muraille, la pyramide de Kheops, le continent perdu de Mû, la tour de Babel...et parmi de nombreux autres, les temples d'Angkor (qui grouillent de saloperies qui vous veulent du mal).

C'est donc cette vision mentale qui fut la première pour moi quand j'entendais alors parler des "vrais" temples. Il m'a fallu quelques années supplémentaires pour intégrer le fait que ceux-ci se trouvaient effectivement au Cambodge, et encore un sacré paquet de temps avant de me décider à aller les voir véritablement. Sans vraiment parvenir à me sortir de la tête ces idées farfelues de petit garçon imaginant monstres, pouvoir magiques et inombrables passages secrets au cœur de ces "ruines perdues".

À toute fin utile, Je rappelle en effet que ce Jalan Jalan  s'étend dans la longueur puisqu'il était à la vraie origine question de ne faire "que" Bali & Lombok et de rentrer après 1 mois/1mois et demie de barooodage (grand max 2,5 mois). Au moment où j'arrive pour voir les temples je boucle déjà pratiquement le cinquième mois de route ! Rien n'a été préparé ou prévu (j'ai un peu autre chose à faire).

Étang, entourant Angkor Wat


Arrivée donc à Siem Reap, ville moyenne du Nord-Ouest du Cambodge jumelée avec Fontainebleau (!) et dont le nom signifie "défaite siamoise" [par les khmères]. En gros, si vous enlevez la retenue sud-est asiatique, ça donne "bande de grosse buses de Thaïs on vous a tellement mis la fessée, qu'on a même renommé une ville pour s'en souvenir". Ouais, c'est pas nécessairement la franche camaraderie entre les deux voisins (l'actualité prouve que c'est toujours la cas aujourd'hui). Alors la principale (mais non unique) attraction qui fait venir les gens nombreux à Siem Reap est évidemment le complexe d'Angkor, dont l'entrée se situe à environ 5 Km du centre-ville.

Comme je l'avais raconté dans un billet précédent, Siem Reap et les temples sont restés pendant des années l'unique point visité par les touristes au Cambodge, ceci à cause (et malgré) des graves troubles géopolitiques dans le pays jusqu'à récemment. Aujourd'hui, cela reste le seul véritable lieu de tourisme de masse du pays, puisque c'est véritablement l'usine (on m'avait prévenu). Si les temples ne sont pas la seule chose à faire à Siem Reap, l'exploitation touristique de ceux-ci est poussée à l'extrême et se pose comme la clef de voute économique de toute la ville. Des hôtels pour tous les budgets sont omniprésents, comme tout un tas de service aux touristes. Les massif bus climatisés remplis de chinois ou de retraités européens sont également dans la place pour leur permettre un aller-retour entre les ruines et leur palace 4 étoiles, tout en leur évitant avec soin tout contact avec la population locale gênante.



Mon temps au Cambodge touchant doucement à sa fin (alors que je n'y suis que depuis environ une semaine), j'avais décidé de faire trois nuits et deux jours à Siem Reap, utilisant les deux journées pour faire la tournée des temples (il y a de quoi faire), avant de reprendre la route, le jour suivant, vers Bangkok où je dois retrouver ma cousine Morgane.

La descente du bus provenant de Phnom Penh fut quelque peu inattendue puisque celui-ci s'arrête à la "nouvelle gare routière", très étonnamment située à l'extérieur de la ville, à perpète du centre. Mais la compagnie de bus est sérieuse, et avant de descendre, le mec nous dit qu'on a le droit à un tuk-tuk gratos pour rejoindre l'endroit, et qu'il nous faut absolument faire abstraction des chauffeurs de tuk-tuk espions sanguinaires infiltrés dans la masse des "gentils chauffeurs de tuk-tuk 'officiels' ", mandatés par la compagnie pour transiter ses passagers. Je me retrouve donc à l'arrière d'un de ces singuliers tuk-tuk khmeres avec pour compagnons deux voyageurs solo qui ne savent pas vraiment où ils vont.

Pour ma part, je ne sais pas trop où je vais non plus, mais Yann-Loup, mon compagnon furtif de voyage à Phnom Penh, m'avait conseillé le homestay "Garden Village" qu'il avait expérimenté et qui était parait-il un vrai repaire sympa de backpackers voyageant à budget serré. J'ai compris plus tard que Siem Reap en était bardée. Bref, ne me trouvant pas de réelles affinités avec mes deux co-voitureurs de tuk-tuk en présence, je leur sors "vous faites ce que vous voulez, moi je vais au Garden Village". Ils n'avaient pas l'air bien motivés pour me suivre (motivés tout court d'ailleurs) et c'est sous leur yeux fatigués que je sautait hors du véhicule avec mon barda, pour demander s'il restait une chambre pendant que mon chauffeur m'attendais. Ayant trouvé ma piaule et abandonné mes covoitureurs à leur sort, me voilà dans un gros backpackers avec beaucoup de chambres aux prix divers et variés.

Au Garden Village, vous avez un dortoir "extérieur" (toit+matelas+moustiquaire, mais vous êtes dehors) à 1$ la nuit. Mais j'avais décidé pour ma part de prendre une chambre à 3$, ce qui me permettait de laisser mon barda en sécurité et d'avoir mon petit coin d'intimité. Chambre spartiate, dans une cabane en bambou, séparé de la chambre d'à côté par...des bambous (ce qui me permet d'entendre la voisine se faire chaleureusement dévergonder, comme si elle était avec moi....mais elle ne l'était pas. C'est la vie.), une salle de bain commune en extérieur, et un pur restaurant/bar sur le toit du bâtiment principal (contenant à veu de nez une bonne cinquantaire de piaules).



Le premier soir à Siem Reap est placé sous le signe de la détente (pour changer). Ma première mission étant de trouver un cyber-café ouvert (comme à mon habitude de blogueur) afin de balancer des nouvelles. Ils se trouvent facilement dans un endroit aussi touristique. Je me retrouve par hasard dans le marché de nuit de Siem Reap, dont l'effervescence et les multiples lumières rappelle qu'il est encore tôt dans la soirée, malgré la nuit noire récalcitrante, référence à ces longues soirées d'hiver dans nos contrées françaises. Lesquelles, je vous l'avoue, ne me manquent pas un brin en cet instant. Le marché est très sympa, c'est surtout des babioles, souvenirs et décorations pour les touristes, mais c'est vivant et c'est sympa à faire.

Il y a même des chiottes, au marché nocturne de Siem Reap.


Je me pose dans un canapé dans le 'restobar' et me commande à bouffer, sans oublier une bière pour faire passer. Ce qui me permet de rencontrer quelques backpackers aussi paumés que moi, mais qui vivent au maximum l'instant présent en partageant pitance, boissons et histoires de voyageux autour d'une table dans un endroit chaleureux et respirant les bonnes vibrations.

Rencontre ce soir-là. Un nouvel arrivant comme moi. Sam, un anglais. Rien à voir avec le fameux Will, l'autre britannique ayant partagé ma route au Viet Nam (voir épisodes précédents). J'ai affaire ici à un petit jeunot de 19 ans environ, dépourvu de tout poil, mais sympatique. Très timide, il faut que je le titille un peu pour qu'il se libère un peu. J'avoue, j'avoue, oooh oui j'avoue que je cherchais un compagnon pour partager le tuk-tuk afin d'aller visiter les temples, ce qui permet de diviser le prix par deux (pardi!). Usant de mes capacités innées de négociation et d'endoctrinement, je parviens à le convaincre de m'accompagner dans la visite de toutes ces vieilles pierres pour les deux prochaines journées. Je pourrais penser que je suis un manipulateur d'exception, mais c'est sans compter sur une femme que j'ai pu rencontrer (nous y serons bientôt) qui me réduit sans peine à l'état d'apprenti.

Le Sam (à gauche) finira par découvrir le revers de la médaille, de s'être retrouvé avec Bibi.


Alors, le gros truc si vous visitez un jours les temples d'Angkor, c'est de vous faire le lever de soleil sur Angkor Wat (probablement le plus grand et le plus connu de la palanquée de temples qui compose ce véritable complexe). Vous l'aurez compris, la nuit se couchant tôt, il va falloir vous lever tôt car Monsieur Soleil ne prendra pas la peine de vous attendre. Depuis Siem Reap comptez environ vingt petites minutes de tuk-tuk sous les premières lueurs du jour avant d'atteindre Angkor Wat qui, il faut bien le dire, a vraiment de la gueule.

En ce matin du 4 mars 2011, comme probablement tous les matins de l'année, il y a du monde à Angkor Wat, même pour le lever de soleil à 6h15. Monsieur et Madame Toutlemonde ainsi que le couple Chinois ont décidé en effet de s'acheter le dernier appareil photo Reflex à la mode ultra-cher-de-la-mort, et sans jamais savoir s'en servir correctement, se font leur photos de vacances floues grâce à lui. Et sont à vos côtés pour immortaliser l'instant fatidique où le soleil passe au-dessus du temple. En gros, vous avez deux cent péquins (dont vous) en trains de prendre des photos au même endroit.

"Putain je suis un pro avec mon reflex qu'on m'a offert à Noël"

Si j'ai une gueule d'enterrement c'est juste que je n'ai plus l'habitude de me lever à 5h (l'ai-je déjà eue?)

Waaaaow. Angkor Wat sans chinois devant.


Et là, vous allez vous marrer. Des nuages. Il y avait des nuages ! Bordel, tu te lèves avant que ces branleurs de coqs asiatiques se mettent à gueuler comme des damnés afin de voir le soleil se lever sur "Encore What ?", et 80% du temps tu te tapes la brume matinale ! Qui se dissipent un peu plus tard ! Oui ! Et parce qu'on pourrait à la rigueur se réjouir de l'absence de soleil durant la journée tellement le cagnard est sauvage au Cambodge, ne vous inquiétez-pas : au mois de Mars c'est la pleine saison sèche et vous allez cramer sous un soleil que vous ne verrez plus  jamais de la même façon. Voilà donc les photos sont à moitié foirées et nos gueules de déterrés ne font rien pour les arranger.

En fait, les nombreux (plusieurs dizaines) temples qui s'étendent sur des centaines de kilomètres carrés et qui forment le complexe d'Angkor sont le vestige d'une ancienne grande cité à l'époque où les Khmers étaient vraiment dans leur meilleure période (de vrais "badasses" comme on dirait aujourd'hui). Militairement, ils mettaient des fessés à droite à gauche (surtout sur leurs voisins Siamois, les futurs Thaïs). Culturellement, ils ont eu une influence importante, et cette influence se ressent dans la richesse architecturale et la diversité qui se retrouve dans les multiples temples d'Angkor. La cité d'Angkor elle-même était construite en bois et seuls les religieux et les rois étaient autorisés à construire des édifices en pierre (le matériau des Dieux) alors que la plèbe ne pouvait uniquement que bâtir avec du bois. Ce qui explique que la cité elle-même ait entièrement disparu et que seuls les bâtiments "nobles" soient restés debout.
Ces temples datent de six siècles et il a fallu plusieurs centaines d'années pour construire tout cela. La finesse et l'inventivité de chaque sculpture (jusqu'à l'échelle du centimètre) représentent un travail tout bonnement incroyable et donne sans peine à ces temples le titre de Merveille du Monde.

À Bayon. La Nive et l'Adour sont pourtant loin.


Ce serait passablement ennuyeux de vous raconter ma visite des temples (déjà que vous avez l'air de vous faire chier comme des rats morts). Vous comprenez que des gens qui ne sont pas initiés à la sculpture médiévale ainsi qu'aux arcanes de la société et de la culture Khmère d'alors, ne comprennent pas grand chose à ce qu'ils voient. Comme moi, quoi. Ce sont de vieilles pierres, joliment sculptées et arrangées qui se trouvent dans un environnement de jungle à couper le souffle...

Une tuerie, ces temples, quand même...


C'est d'ailleurs Maly (encore elle !!) qui en tant que connaisseuse de l'endroit me conseilla des temples à faire absolument. Dans la première journée, nous avons donc visité : Angkor Wat, Ta Prom, Angkor Tôm, Baphuon, Bayon (situé au centre de la cité perdue et connu pour ses deux cents visages sculptés), Banteay Kdey, Ta Keo.

C'est à peu près vers ce moment là que je retrouve par hasard au milieu de toutes ces ruines, Baptiste et Greg, mes compagnons de Sihanoukville, qui eux n'ont décidé de ne se faire qu'une seule journée de temples. Greg étant beaucoup moins sous l'influence de la marie-jeanne que la dernière fois que je l'avais vu, permettait d'avoir un peu plus  de conversation avec lui, ce qui n'était pas un mal pour le coup. Toujours dans l'impossibilité de se capter par téléphone nous tentons de nous organiser pour nous voir le soir même, mais sans trop de conviction. Le fait que nos piaules repectives soient situées dans deux endroits diamétralement opposés de la ville de Siem Reap n'a effectivement pas arrangé les choses. Bref, toujours avec une journée d'avance sur moi (comme à Phnom Penh d'ailleurs), ils avaient décidé de tracer vers Bangkok dès le lendemain. Ce fut -presque- la dernière fois que je les ai vus...

Toujours avec Sam, dont la compagnie se révélait de plus en plus ennuyeuse (le pauvre n'était pas des plus rayonnants0, ainsi que notre chauffeur de tuk-tuk, environ la vingtaine, qui se montrait patient et sympathique à chaque instant (un bonheur, ces Cambodgiens), nous faisons notre tournée des temples. L'endroit étant plutôt achalandé par le touriste, tu croises partout de nombreux gamins très jeunes (dix ans à peine) qui sont là pour te vendre tantôt des t-shirts, tantôt une flûte en bambou, tantôt des portes-clés. Ces gamins sont attendrissants mais ils ne te lâchent jamais la grappe, et sont particulièrement aguerris au commerce et à la négociation, ce que je trouverai toujours hallucinant venant de la part de mioches de cet âge-là. Angkor est depuis longtemps une attraction touristique majeure et les familles locales n'ont pas mis longtemps à comprendre quel serait le business à se faire avec leur minots en bas-âge lequel rapporterait plus que de les envoyer à l'école (fait que les enfants nient avec la plus grande maladresse).


Cette gamine devant East Mebon était d'une intelligence redoutable. Il m'a fallu du temps pour devenir son "ami".


Finalement, nous terminons notre première journée de temples sous le cagnard complètement lessivés. Outre passer votre journée à marcher et à grimper des escaliers raides et interminables, vous baroudez solennellement dans la jungle à slalomer entre serpents et vieilles ruines. Le Garden Village (notre bienaimé backpacker) proposait, comme partout d'ailleurs, deux circuits différents dans les temples d'Angkor. Un grand circuit, et un petit circuit. Nous avions décidé de nous taper le grand le premier jour, et l'autre le lendemain.
En cette soirée du 4 mars donc, repos bien mérité dans le Sunset Bar (qui se trouve au final être l'original nom du restaubar sur le toit du Garden Village). Sam ne tient pas bien longtemps sur les assauts répétés de la bière locale. Je me retrouve alors à papoter pendant un moment avec deux homosexuels culturistes allemands qui se touchent à-qui-mieux-mieux ! Mais le lit m'appelle bien vite également...

Encore un levé tôt pour cette deuxième journée de temples. Six heures du matin et nous sommes déjà dans la douce brise matinale cambodgienne. Cette fois-ci, pas question pour nous d'aller retenter une photo matinale d'Angkor Wat. Le circuit d'aujourd'hui est plus petits mais on va encore passer la journée au soleil à se faire trimballer en tuk-tuk entre les édifices.
Sur cette deuxième journée les endroits à noter en particulier sont : les bassins de Krol Ko, le temple "des femmes" Banteay Srei (en pierre rose) situé à quelque kilomètres au Nord du complexe ainsi que Ta Prom, Ta Som.

"Mais qu'est-ce qu'il fout avec son drapeau Vietnamien sur le cul, celui-là ?"


Ta Prom d'ailleurs, est un des  temples du complexe à visiter en priorité. Il est connu dans le monde entier pour les immenses arbres fromagers pluricentenaires dont les énormes racines se sont approprié les ruines. Une étrange impression de puissance venue du fond des âges est dégagée par la vision de ces arbres qui inéluctablement broient le temple de toutes parts et font éclater ses pierres. De puissance et en même temps de sérénité, d’apaisement, à l'ombre de ces mastodontes qui ont dû en voir (des vertes et des pas mûres).




Non, je ne me suis pas changé, c'est le lendemain...

Le design parfait de la Nature.

Iron, like a Lion, in Zion.


Positions traditionnelles de danse mal faites. Bon c'est franchement pour les touristes

Le côté "cheesy" de certains asiat's me fera toujours halluciner (Bayon)


Regardez-moi cette gueule de touriste.


Le chauffeur de tuk-tuk...vraiment cool. A eu la gentillesse de me laisser conduire !



Nous décidons de nous faire une pause vers les petits restaus se trouvant en face du temple East Mebon (avec ses sculptures d'éléphants aux quatre coins). Avant de faire une pause déjeuner, j'avais décidé d'aller voir ce temple, mais Sam m'avait déjà lâché et préférait désormais se la couler douce avec un coca en tchatchant avec le chauffeur de tuk-tuk plutôt que d'affronter les énièmes escaliers raides du énième temple.

Oui, et je le comprends un peu, le bougre. Lorsqu'on ne connait que dalle à tout cette histoire Khmère, deux jours à crapahuter entre les "vieilles pierres" sont bien assez. C'est superbe, c'est incroyable, c'est tout ce que vous voulez mais c'est fatiguant et lassant si vous ne savez pas ce que vous regardez. Évidemment, les puristes vous dirons qu'une semaine à Angkor c'est bien trop juste pour apprécier la finesse des édifices, mais si vous n'êtes pas un minimum renseigné (par un guide ou un bouquin), allez-y, car ça vaut réellement le coup d’œil, mais ne prévoyez pas trop de temps à visiter le complexe archéologique non plus.

"Oooh putain, ooooooh putain il vient sur moi"


Les restaus en face d' East Mebon sont (comme toujours dans le coin) tenus par des femmes qui se mettent à gueuler en sortant avec un menu à la main dès qu'un touriste occidental pointe le bout de son nez en tuk-tuk. La scène est assez cocasse, de voir toutes ces Cambodgiennes se tirer la bourre pour obtenir le client, criant toute sorte de choses en "anglais", avec cet accent Sud-Est Asiatique caractéristique définitivement imprimé dans mon cerveau désormais.

"Hello you buy ?" . Asiatique anonyme de sexe féminin cherchant à priori à vendre un bien.
 

D'ailleurs il n'y a pratiquement personne à part nous, et c'est vrai que le jeune Sam et moi-même attirons manifestement l'attention de toutes ces femmes (de tous les âges, mais principalement jeunes). Rien d'affolant toutefois, elle sont assez curieuses ce qui me permet pour ma part d'engager la conversation avec quelques-unes d'entre elles et ainsi d'en savoir un peu plus sur elles, sur leurs modes de vie et sur leurs façon de penser et de concevoir les choses. Finalement nous passons pratiquement deux heures à discuter et rigoler avec elles avant de repartir voir d'autres temples.




La fin de cette deuxième journée se déroule au milieu de centaines de touristes qui se retrouvent sur la colline de Phnom Bakkeng, sur laquelle se situe un temple à partir duquel on surplombe franchement la jungle et on peut apercevoir les tours d'Angkor Wat, situé à environ 2 Km à vol d'oiseau au Nord-Est. Une masse improbable de gens s'y précipite pour le coucher de soleil. C'est joli quand même comme coin...

Depuis Phnom Bakkeng..

Mais regardez la finesse de taille de ce nombril...

Angkor What ???


C'est complètement séchés que Sam et moi sommes de retour au Garden Village. Juste le temps de dire au revoir à notre pote le chauffeur de tuk-tuk (dont le nom sera passé inaperçu), puis "posage" en règle au bar car cette journée fut-elle aussi épuisante. Tout comme la veille, c'est autour d'un plat et d'une mousse que Sam et moi rencontrons d'autres voyageurs, dont notamment le très sympathique sud-africain Carl, le suédois Jonas et un anglais quarantenaire hypocondriaque, ancien hooligan mais toujours alcoolique à niveau respectable, que nous appellerons Calimero et qui n'avait visiblement trouvé que l'herbe et les femmes cambodgiennes pour calmer ses douleurs physiques et morales. Ma dernière soirée au Cambodge, s'est donc déroulée sans accrocs et sans folies avec ces personnes.

Banteay Srei, le "temple des femmes"


Et c'est un peu à l'image de mon court (10 jours) passage au Cambodge. Un de mes plus grands regrets dans ce Jalan Jalan sera de ne pas avoir pu rester plus longtemps dans ce pays. Pauvre, magnifique et encore majoritairement préservé d'un tourisme de masse irrespectueux, le Cambodge est une perle. Les gens, emprunts d'une histoire aussi lourde que grandiose, y sont d'une gentillesse comme j'en ai rarement fait l'expérience dans ce voyage. Aurais-je eu plus de temps, j'aurais probablement été m'enfoncer dans les zones rurales reculées du Nord-Est, vers Mondolkiri et dans la vallée du Mekong pour remonter vers la frontière laosienne. Ces régions ont la réputation d'être incroyables...



Raaaaaaah ! Arrêtez !!! Espèces de Texans-Chinois !

Le temple de Bayon est assez hallucinant. Avec un nom comme ça, en même temps...


East Mebon.
Mon séjour, en quatre étapes, s'est soldé par d'avantage de calme que précédemment, probablement du à la fatigue accumulée pendant le mois précédent au Viet Nam, ainsi qu'à une solitude plus importante dans cette partie du voyage. En effet, je n'ai pas vraiment eu de rencontre avec des gens menant à partager un bout de route ou vraiment "tripper" sur plusieurs jours. Aussi, le planning trop serré (pour la première fois depuis le début de l'aventure) m'a probablement empêché de prendre mon temps et de m'imprégner du voyage de la façon dont j'avais pu le faire jusque là...où j'avais une liberté quasi-complète de temps et d'itinéraire.



Ma piaule est juste à gauche, devant le hamac orange. Siem Reap.
Et la vue, depuis ce même hamac.

En peu de temps le Cambodge m'a totalement conquis en tant que backpacker et je ne peux, depuis que je l'ai quitté, me résoudre à me dire que je n'y retournerai pas ! Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'y retourner au cours de ce Jalan Jalan, mais ce n'est que partie remise.

En attendant, mes pas me mènent vers un autre destin. Des retrouvailles souhaitées et prévues de longue date avec ma cousine Morgane, qui a décidé de venir me rejoindre en Thaïlande afin de partager un temps soit peu l'aventure, la route, le pain et foultitude d'autres choses avec moi, le temps d'une quinzaine.

C'est en ce lendemain de temples donc, le 6 mars, que je reprends la route en bus direction Bangkok via Battambang et le passage de frontière de Poipet.

La suite de l'aventure, croustillante, vous sera contée prochainement.

Merci à ceux qui lisent et commentent. Les posts deviennent plus rares ces derniers temps, mais l'envie de partager est toujours présente. Vous êtes bons !




Peave, Love, Chao Phraya !